Les femmes n’ont pas toujours eu les droits qu’elles ont aujourd’hui, quelques dates ont marqué l’évolution de leur condition au cours du 20e siècle. Le 21 avril 2024, notamment, nous fêterons les 80 ans du droit de vote pour les femmes en France.
Adhérente du club de Neuvy Deux Clochers de la Fédération du Cher depuis 1984, Irène a fêté ses 101 ans. Née un mercredi le 7 février 1923 à Humbligny, jour de la Sainte Eugénie, elle a connu des avancées technologiques qui ont amené au cours des années un confort dans la vie de tous les jours : l’électrification dans les milieux ruraux, le développement des réseaux d’eau, la machine à laver programmable, le début de la production des réfrigérateurs à usage domestique, le développement de l’industrie, des transports, des réseaux routiers, de l’automobile, le développement de l’audiovisuel, la création de l’informatique et d’Internet.
Elle a connu 13 présidents, 3 républiques, 2 guerres et a également été témoin de l’évolution du statut et des droits des femmes. Générations Mouvement a souhaité recueillir son témoignage, sur son parcours de vie et sur l’évolution des mœurs dont elle a été le témoin au cours du siècle dernier.
Irène Penet, 101 ans, nous donne sa vision sur l'évolution de la société
Le 21 avril 2024, nous fêterons les 80 ans du Droit de Vote accordé aux Femmes et le 29 avril 2025, les 80 ans du premier vote des femmes lors des élections municipales de 1945.
Comment avez-vous vécu ces événement à l'époque ?
En 1944, celui qui allait devenir mon mari était prisonnier des Allemands. Moi, je vivais chez ma mère, on n’avait pas de moyens de communication. En 1945, il faisait très chaud, on a fait les vendanges début septembre, mon mari venait de rentrer de 5 ans de prison en Allemagne et on allait se marier le 9 octobre. Alors le droit de vote ne m’a pas laissé beaucoup de souvenir, j’avais l’esprit occupé par bien d’autres choses. On en a sûrement parlé et j’ai sûrement voté mais je n’en ai plus le souvenir.
Concernant l’évolution de la place des femmes en France, d’autres événements vous ont-ils marqués ?
Oui, j’ai fait partie de l’Union des Femmes Françaises, j’étais abonnée à leur magazine. Je m’intéressais à la politique, à l’époque tout changeait très vite. Parfois les ministres ne duraient que quelques semaines, les gouvernements étaient instables, comme la monnaie d’ailleurs. J’en ai connu plusieurs et on ne mettait pas son argent à la banque, on le gardait dans une armoire ou sous les matelas… On avait du mal à le gagner alors on ne voulait pas le confier à d’autres, on avait peur de ne pas le revoir.
Il y a 10 ans environ, on a fait du rangement chez moi et on a mis un matelas aux encombrants. Le matin, le matelas avait été tout lacéré pour voir s’il n’y avait pas de billets dedans !!! (Grand éclat de rire).
Vous avez eu plusieurs fonctions à la mairie et au niveau du département. Aujourd’hui encore seulement 17% des maires en France sont des femmes, pourquoi selon vous ?
Oui, quand le secrétaire de mairie est parti, j’ai pris sa place.
Vous savez les femmes avaient peut-être le droit de vote mais pas le droit d’être engagées. Pendant longtemps les conseils municipaux n’étaient composés que d’hommes, il n’y a qu’une vingtaine d’années que des femmes sont entrés dans les conseils. Et puis vous savez beaucoup de femmes ne travaillaient pas, elles dépendaient de leur mari, elles ne disaient rien et subissaient.
Me concernant, j’ai été veuve jeune et j’avais ma fille à charge alors j’ai cherché du travail, dans une usine de confection à Sancerre avant d’être à la mairie. J’ai également travaillé à l’agence postale. J’ai passé le permis de conduire en 1963. Si j’avais su que je vivrai si vieille, j’aurais potassé l’informatique même si je manipule un peu Internet.
Vous avez vécu des changements de société : le climat, les loisirs, l’éducation … Quelles réflexions vous viennent à l’esprit à ce sujet ?
On dit parfois du passé « c’était le bon temps » mais il y a aussi de bonnes choses maintenant comme les réseaux sociaux : c’est bien par certains côtés mais on y voit aussi des choses moins belles.
Ce qu’il y a eu de bien dans l’évolution, c’est tout ce qui concerne les progrès techniques. J’ai connu le temps où on allait chercher l’eau au puits, et il n’était pas à côté, et on allait au lavoir en bas du village pour laver le linge. L’arrivée de la machine à laver a été un grand succès. Il y a eu des changements inimaginables, passer du bain dans la lessiveuse à la douche. Chez nous, on a eu la première radio quand j’étais au cours élémentaire, ça a été un grand événement, et la télévision en 1965. Et parlons du téléphone, pendant longtemps à Neuvy il était public, on allait à l’agence postale.
Le contexte du travail a changé également. Avant, il y avait du travail pour tout le monde et sans aller bien loin. Il y avait une vraie solidarité au sein du village – et encore ici, on a la chance d’avoir les vignobles – mais les gens d’aujourd’hui ne pourraient pas vivre comme on vivait ! Les ouvriers se louaient dans les fermes et dans les vignes : il y avait la louée de la Toussaint et la louée de la Saint-Jean, deux journées où les patrons recrutaient et qui se terminaient par un grand bal sous chapiteau.
Je constate également l’éclatement de la famille : avant les générations vivaient ensemble ou à proximité, maintenant les enfants sont loin. On a beaucoup perdu en lien social. Je me rappelle les soirées « calons ». On se réunissait entre voisins et on écalait les noix ensemble puis on partageait le repas. Il y avait beaucoup plus de solidarité. Il y avait aussi les comices. Tout le monde coopérait pour faire les chars. Il y avait aussi un cinéma itinérant et des commerces : 3 épiceries, 2 cafés, un boulanger, des potiers et maintenant plus rien !
Par contre, je trouve qu’élever les enfants était plus difficile avant. Les familles étaient nombreuses, beaucoup d’enfants n’étaient pas scolarisés et peu poursuivaient des études. Cependant on avait le respect des instituteurs, le respect des gens et jamais on n’aurait vu ce qu’on voit maintenant dans les médias.
Enfin les tenues vestimentaires ont beaucoup changé. Avant, on portait le deuil très longtemps et beaucoup de femmes ne s’habillaient qu’en noir… La religion avait aussi plus d’importance : la messe et le café ! (Grand éclat de rire). Mon petit-fils ne m’interroge pas beaucoup là-dessus, il est à fond dans son travail !
Vous avez adhéré au club en 1984 lors de sa création, qu’est qui a changé au niveau associatif ? Pourquoi n’y a-t-il pas de plus jeunes, qui adhérent ?
Le club nous permet de nous rencontrer entre personnes âgées. C’est un lien. Avant, quand on pouvait marcher, on faisait des sorties, on était plus nombreux. Les plus jeunes ont d’autres occupations, ils voyagent et ont d’autres distractions. La vie n’est plus la même. Il y a du monde quand on fait un repas !
Irène résout tous les problèmes de maths ! Ajoute Huguette Lechêne, présidente du club, lorsqu’on ne sait pas, on dit « on va demander à Irène !
Interview d’Irène Penet par Elisabeth Aubry Lafois, le 5 avril 2024 au Club de Neuvy Deux Clochers, en présence d’Huguette Lechêne, Présidente du Club.
Quelques dates marquantes au cours du 20e siècle
1919
Les jeunes filles françaises ont pu passer leur baccalauréat pour la première fois au même titre que les garçons, cependant les épreuves n’étaient pas les mêmes que pour les hommes.
Elles ont dû attendre jusqu’en 1925 pour que les épreuves du bac soient identiques à celles des garçons.
Cette même année, elles ont également eu accès à l’enseignement supérieur dans des établissements qui, jusqu’alors, étaient réservés aux hommes.
1938, a marqué la réforme de l’article du Code civil sur l’incapacité juridique des femmes. Elles ont pu par exemple s’inscrire à la fac sans demander la permission à leur conjoint ou accepter une donation en leur nom propre.
Grâce à l’ordonnance du 21 avril 1944, signée par Charles de Gaulle, elles ont obtenu le droit de vote par suffrage universel comme les hommes en France bien après la Finlande, la Norvège, le Danemark, l’Islande, l’Allemagne, l’Estonie, la Lettonie, la Pologne, la Lituanie, le Royaume-Uni ou encore la Bulgarie.
1965
La loi du 13 juillet, portant sur la réforme des régimes, a marqué un tournant dans l’évolution du droit des femmes avec l’émancipation juridique. Elles ont pu exercer une profession et ouvrir un compte bancaire à leur nom et en 1966 travailler sans le consentement de leur mari.
1967
Cette année a marqué l’entrée de quelques femmes dans la Haute Administration.
C’est également en décembre 1967, que la loi Neuwirth a été votée, permettant aux femmes françaises de 18 ans et plus qui le souhaitaient de recourir à une méthode de contraception en toute légalité.
Le 17 janvier 1975, soit quatre ans après la publication du Manifeste des 343 (document dans lequel 343 femmes françaises, certaines célèbres, avouaient avoir avorté), l’interruption de grossesse devient un acte légal grâce au dossier soutenu par Simone Veil, alors ministre de la Santé.
Et pour vous, l’évolution des mœurs et de la condition féminine, ça vous parle ?
Envoyez-nous votre témoignage, nous pourrons le publier dans un prochain article.
Renseignement : jmansuela@gmouv.org – sbarny@gmouv.org
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merci Brigitte pour votre commentaire, j’ai la même manie je suis toujours la vie de la F D, merci encore pour votre avis B. CARPENTIER
J’ai beaucoup apprécié cet article.
Félicitations !
Bravo pour cet article !
A titre d’information, je signale ce magnifique ouvrage de Caroline Riegel, originaire de la vallée de Munster en Alsace : « Une histoire des grandes exploratrices » qui brosse le portrait synthétique de toutes celles qui ont dépassé les frontières, y compris celles imposées par la société, pour vivre leur passion et pour être tre libres.
Brigitte, ancienne collaboratrice de la Fédération nationale et qui suit toujours avec beaucoup d’intérêt la vie de GM.
Bravo pour ce souvenir témoignage: très touchant et porteur d’espoir.